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Sud global doit bénéficier des recettes fiscales
10.03.2022, Finances et fiscalité
Pour la Suisse, l’introduction de l'imposition minimale de l'OCDE engendrera des recettes fiscales supplémentaires sur les bénéfices des grandes entreprises multinationales (EMN). Une partie de ces bénéfices est générée dans des pays pauvres, mais imposée chez nous. Alliance Sud demande donc au Conseil fédéral et au Parlement de veiller à ce que notre pays reverse une partie de ces recettes aux pays producteurs pauvres où opèrent les EMN — sinon, Alliance Sud envisage de donner une consigne de vote négative lors du scrutin populaire de juin 2023.
Centre de compétence suisse pour la coopération internationale et la politique de développement, Alliance Sud salue l'intention du Conseil fédéral de mettre en œuvre en Suisse la nouvelle imposition minimale de l'OCDE applicable aux EMN. Notre pays contribuerait ainsi à freiner la concurrence néfaste en matière d’imposition des EMN, tant au plan international qu'entre les cantons.
Comme le montre la prise de position d’Alliance Sud, les pays pauvres du Sud global ne profiteront pas de cette nouvelle donne. Pour les groupes suisses de matières premières en particulier, il restera intéressant, même avec l'imposition minimale, de pratiquer le dumping fiscal en Suisse sur le dos des plus pauvres de la planète. Pour deux raisons, selon Dominik Gross, expert en politique fiscale chez Alliance Sud : « Le taux d'imposition minimal de 15% est beaucoup trop bas. Les pays producteurs de matières premières du Sud global appliquent des taux d'imposition des bénéfices compris entre 25% et 35% ». Vu cette différence, les EMN continueront de ne pas déclarer leurs bénéfices là où elles extraient leur nickel ou produisent leur huile de palme, mais dans les cantons suisses à faible imposition, où réside leur management et où elles paient beaucoup moins d'impôts malgré l'imposition minimale. « Les pays en développement dans lesquels les EMN ont des filiales ne pourraient en outre profiter de l'imposition minimale que si les pays prospères comme la Suisse, dans lesquels elles ont leurs sociétés mères, y renoncent. Quelle discrimination flagrante ! », s’indigne Dominik Gross. L’introduction de l'impôt minimal fera que des cantons comme Zoug ou Genève généreront encore plus de recettes fiscales issues des bénéfices des EMN qui font leurs profits dans des pays ayant un urgent besoin de recettes fiscales additionnelles.
Des transferts de bénéfices sur le dos des plus pauvres
Dans un rapport publié en octobre dernier, Alliance Sud et d’autres ONG ont montré comment le groupe Socfin, producteur d'huile de palme et de caoutchouc, viole les droits du travail et les droits fonciers au Libéria et en Sierra Leone, comme à l'époque coloniale, tout en économisant des impôts à Fribourg. Récemment, le groupe minier Solway, dont le siège est implanté dans le paradis fiscal de Zoug, a fait la une des journaux pour avoir pollué l'eau et l'air autour de sa mine de nickel au Guatemala et pour avoir tenté de dissimuler l’impact de ces pollutions.
Conclusion de Dominik Gross : « Il est inacceptable que les cantons suisses perçoivent encore des recettes fiscales supplémentaires grâce à de telles sales affaires. Ces recettes appartiennent aux pays de production où opèrent les EMN, afin qu’ils puissent bâtir une économie plus sociale et plus écologique. »
Complément d’information :
Dominik Gross, expert en politique fiscale et financière chez Alliance Sud, tél. +41 78 838 40 79
Papier de position :
Mise en œuvre de l'imposition minimale de l'OCDE pour les grandes entreprises multinationales en Suisse : le point de vue d'Alliance Sud