Transition politique au Bangladesh

Imagine : c’est la révolution et personne ne regarde !

03.10.2024, Coopération internationale

C'est précisément ce qui se passe depuis juillet et cela ne concerne pas n'importe quel pays, mais le huitième le plus peuplé du monde. À quelques exceptions près, le succès du soulèvement des jeunes au Bangladesh et l'expulsion de l'autocrate Sheikh Hasina vers l'Inde n'ont pas été relayés par les médias locaux.

Imagine : c’est la révolution et personne ne regarde !

Un mois après le changement de pouvoir, des milliers de personnes se rassemblent à nouveau à Dhaka en septembre. © AP Photo/Rajib Dhar

Dans les débats actuels sur la coopération au développement, il vaut pourtant la peine de s’intéresser de plus près à ce pays prioritaire de la Direction du développement et de la coopération (DDC). Le Bangladesh a connu une croissance économique spectaculaire, surtout depuis le tournant du millénaire. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant a plus que sextuplé et le pays devance désormais l'Inde et le Pakistan. Le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté (2,15$ par jour) est passé d'un tiers en 2000 à 5,8% en 2023.

Et pourtant le Bangladesh était parti du mauvais pied. Dans les premières années qui ont suivi son indépendance en 1971, le pays a souffert des conséquences de la guerre civile et d'une terrible famine. L'ascension du « cas désespéré » (Henry Kissinger) et de l'Etat fragile au « tigre du Bengale » est volontiers présentée comme un exemple parfait des opportunités offertes par l'intégration au marché mondial. Ou pour le mantra « seuls les investissements étrangers apportent croissance et développement », également populaire au Palais fédéral. En effet, les textiles représentent 85 % des exportations du Bangladesh et l'industrie textile emploie quatre millions de personnes, principalement des femmes. Mais les salaires versés ne suffisent pas pour vivre, a fortiori avec l'inflation actuelle. Et les investissements étrangers ne rapportent qu'un dixième des devises que les migrantes et les migrants envoient dans leur pays d'origine.

Les exportations de textile et le marché mondial sont certes essentiels, mais au mieux la moitié de la bataille. Car la réussite du Bangladesh est aussi celle des ONG locales. Plus des trois quarts des agents de santé au niveau communautaire ne sont pas fournis par le gouvernement, mais par des ONG. La plus grande d'entre elles pourvoit des informations et des services de base à 110 millions de personnes. Elle diagnostique la majorité des nouveaux cas de paludisme et de tuberculose à un stade précoce. « Dans aucun autre pays en développement, les organisations de développement locales créées pour aider les pauvres n’ont une telle incidence », affirme l'économiste du développement Stefan Dercon dans son analyse complète « Gambling on development : Why some countries win and others lose ». Et le Bangladesh est aussi une histoire à succès de la coopération au développement, par exemple du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui « est une offre visant à encadrer son propre développement », dixit son directeur Achim Steiner dans la grande interview publiée dans le présent numéro de « global ».

Le temps presse, car les chaînes d'approvisionnement dans l'industrie textile s’effondrent facilement ; dès le début des troubles estudiantins, des commandes ont déjà été transférées au Cambodge et dans d'autres pays. Mais le dynamisme de la société civile et le soutien de la communauté internationale permettent d'espérer que le pays surmontera la crise.

Global Logo

global

Le magazine d'Alliance Sud analyse et commente la politique étrangère et de développement de la Suisse. « global » paraît quatre fois par an et l'abonnement est gratuit.