LIGNES DIRECTRICES NORD-SUD

Un regard visionnaire sur le passé

25.03.2025, Coopération internationale

Les gouvernements de droite coupent dans leurs budgets de développement, mettant ainsi en péril la coopération internationale et le multilatéralisme. La Suisse ne fait pas exception. Un bref retour dans les archives montre qu'il y a trente ans, des idées progressistes circulaient encore au sein de la Berne fédérale.

Laura Ebneter
Laura Ebneter

Experte en coopération internationale

Un regard visionnaire sur le passé

L’atmosphère de renouveau du Sommet de la Terre de 1992 a gagné la société civile et la Suisse officielle : des protestataires au Sommet de Rio, au Brésil. © Dylan Garcia Travel Images / Alamy Stock Photo

Les mots anglais « peak aid » ou « post-aid world » sont sur toutes les lèvres lorsqu'il est question de l'état actuel de la coopération au développement. La faim, la pauvreté et la crise climatique progressent, et la réponse des pays du Nord est le repli sur soi, le réarmement et les guerres commerciales. Au bout du compte, tout le monde est perdant. Pourtant, il existe d'autres approches qui favorisent le développement durable dans les pays du Sud global. En Suisse, ces dernières avaient même réussi jadis à rallier une majorité. Le moment est venu de se rappeler des idées visionnaires du passé. Nous avons interrogé les « Lignes directrices Nord-Sud » du Conseil fédéral qui ont 31 ans. Toutes les réponses sont des citations tirées de ces lignes directrices de 1994.

Tenue en 1992 à Rio de Janeiro, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement a marqué un tournant dans la politique environnementale internationale. Pourquoi cette conférence était-elle si cruciale ?

La Conférence de Rio a montré à un vaste public la globalisation des problèmes de notre environnement naturel. Les pays en développement y jouent un rôle important. Ils détiennent une grande partie des ressources naturelles et sont bien plus menacés que les pays industrialisés par les conséquences de la désertification, l'élévation du niveau de la mer ou les changements climatiques. La pauvreté, l'industrialisation et la croissance démographique portent une atteinte supplémentaire à l'environnement. En outre, il est admis qu'une généralisation du mode de vie occidental actuel n'est en principe plus concevable écologiquement.

La Suisse a élaboré des Lignes directrices Nord-Sud dans ce contexte. Quel est le message clé de ces lignes directrices ?

Les lignes directrices exposent les problèmes principaux d'une politique de développement à l'heure actuelle. Elles en montrent les conséquences et les champs d'action et établissent les principes directeurs que suivra à l'avenir une politique suisse de développement. Ce n'est plus seulement la coopération au développement qui est concernée, mais bien l'ensemble des relations de la Suisse avec les pays en développement.

De quoi s’agit-il précisément ?

Les dichotomies traditionnelles entre politique de l'environnement et politique économique, entre politique économique et politique des migrations, entre politique commerciale et politique de coopération au développement, entre politique intérieure et politique extérieure ne permettent plus de répondre aux problèmes actuels. Ce qu'il faut, c'est « une politique cohérente envers le Sud ». Formuler une telle politique revient à montrer les contradictions éventuelles entre des intérêts nationaux à court terme et les buts de la politique suisse de développement, puis à les intégrer, de façon aussi transparente que possible, dans les processus de décisions politiques. Une telle politique ne peut être mise en œuvre que si la population suisse réalise que notre prospérité dépend à long terme du destin du Sud.

D'aucuns diraient : « La Suisse a suffisamment de problèmes. Nous devrions d'abord veiller au bien-être de notre propre population. » Que répondez-vous à cela ?

Il n'est pas question d'abandonner les intérêts suisses. Cependant, dans un monde que caractérisent l'interdépendance et la mutation, nous devons en permanence, dans une perspective à long terme et globalement, redéfinir les intérêts afin de mieux les préserver et déterminer les actions qui en découlent afin de mieux les conduire.

Est-ce que la coopération au développement devient obsolète dès lors qu'il existe une politique de développement cohérente ?

Avant d'atteindre une croissance économique durable, les pays les plus pauvres dépendront longtemps encore de l'aide extérieure. Dans nombre de domaines, les ressources humaines et financières leur manquent. Les pays à revenu moyen ont également besoin de notre soutien pour améliorer leurs infrastructures économiques et sociales et pour protéger efficacement leur environnement. Notre aide publique au développement doit donc encore augmenter quantitativement et qualitativement.

Merci beaucoup pour cet entretien. Nous espérons vivement que notre Conseil fédéral prendra connaissance de ces idées du passé et réalisera que les problèmes urgents du présent ne peuvent être résolus que par une politique de développement cohérente et clairvoyante.

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