FINANCEMENT CLIMATIQUE

Pour des flux financiers respectueux de l’environnement

20.03.2025, Justice climatique, Finances et fiscalité

La place financière suisse a montré qu'elle ne se retirait pas volontairement des activités liées à la destruction environnementale à l'étranger. L'initiative sur la place financière veut inscrire dans la Constitution l’interdiction des nouveaux investissements dans le charbon, le pétrole et le gaz par des acteurs suisses du marché financier.

Delia Berner
Delia Berner

Experte en politique climatique internationale

Pour des flux financiers respectueux de l’environnement

La forêt tropicale au Pará, au Brésil, est essentielle pour le climat et fait partie des terres autochtones. Les défrichages, les mines et les projets d'infrastructure la ravagent, souvent avec la complicité suisse.
© Lalo de Almeida / Panos Pictures

On sait depuis longtemps que détruire la forêt tropicale, c'est contribuer à la dégradation de l'environnement et au réchauffement climatique. Souvent, le défrichage illégal par le feu entraîne en outre une restriction des droits fonciers des communautés indigènes et une violation de leurs droits humains. La grande banque suisse UBS ne l’ignore pas non plus. Elle investit néanmoins dans des multinationales agricoles brésiliennes impliquées dans des défrichements illégaux en Amazonie, comme l’a révélé la Société pour les peuples menacés (SPM) voilà quelque temps.

Les banques et les assurances suisses financent ou assurent chaque année des opérations se chiffrant en milliards qui détruisent l'environnement et réchauffent le climat. Selon une étude de McKinsey, la place financière suisse génère jusqu’à 18 fois plus d'émissions de CO2 que la quantité de CO2 rejetée en Suisse. Voilà une décennie déjà, la communauté internationale inscrivait le rôle crucial du système financier dans la lutte contre la crise climatique à l'article 2.1c de l'Accord de Paris sur le climat. Cet article formule l’objectif d'harmoniser les flux financiers mondiaux « avec un profil d'évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques ». La Suisse a ratifié l'accord et elle est tenue par le droit international de contribuer à cet objectif. Approuvée à une écrasante majorité par les électeurs helvétiques, la loi sur la protection du climat oblige en outre la Confédération à veiller à ce que les flux financiers respectent le climat. Mais son application laisse à désirer.

« Volontaire » suppose une volonté

Pour la mise en œuvre, le Conseil fédéral préconise des mesures volontaires et l’autorégulation du secteur financier. En revanche, il rejette toute réglementation étatique supplémentaire. Il a toutefois soutenu une motion du conseiller national Gerhard Andrey (Les Verts) qui prévoyait des mesures plus contraignantes au cas où les mesures actuelles s’avéreraient inefficaces d'ici 2028. Mais le Parlement a rejeté la motion au printemps 2024, estimant qu'il n'était pas nécessaire de prendre d’autres mesures.

 

Les banques veulent donc continuer à financer la destruction de l'environnement si cela leur permet d’accroître leurs bénéfices.

 

Dès janvier 2025 au plus tard, il est devenu manifeste que les mesures volontaires et les promesses du secteur financier ne signifiaient pas grand-chose. Les six plus grandes banques américaines et le plus grand gestionnaire de fortune du monde, Blackrock, ont annulé les promesses climatiques qu'ils avaient faites seulement quatre ans auparavant. Dans une interview de la télévision suisse romande RTS, Florian Egli, professeur à l'Université technique de Munich, a noté : « Nous constatons actuellement que les promesses volontaires de ces banques ne suffisent pas. Elles sont revenues sur leurs engagements ». L'UBS examine également la possibilité de se retirer de la Net Zero Banking Alliance, dans laquelle de nombreuses banques s'étaient engagées depuis 2021 à atteindre un objectif de zéro émission nette pour 2050. Les banques veulent donc continuer à financer la destruction de l'environnement si cela leur permet d’accroître leurs bénéfices.

L'initiative sur la place financière est une nécessité

Miser sur des mesures volontaires revient à s'en remettre à la volonté du secteur financier, qui ne se réfère manifestement pas à la science du climat, mais à l'argent facile et aux courants politiques. On ne peut pas lutter contre la crise climatique de cette manière. Dans sa feuille de route pour la neutralité carbone (net zero roadmap), l'Agence internationale de l'énergie a clairement indiqué depuis longtemps que pour respecter les objectifs climatiques de Paris, toute nouvelle promotion des énergies fossiles est à proscrire.

C'est la raison pour laquelle, en collaboration avec le WWF, Greenpeace et des politiques de tous les partis fédéraux à l'exception de l'UDC, l’Alliance climatique suisse a lancé l'initiative sur la place financière fin 2024. Elle doit garantir que plus personne ne finance la destruction de l'environnement et le réchauffement climatique depuis la Suisse. Si le Conseil fédéral et le Parlement restent inactifs, les électeurs·trice·s ont le pouvoir d’inscrire dans la Constitution que le secteur financier suisse ne finance ni n'assure aucune extraction supplémentaire de charbon, de pétrole ou de gaz. Les mêmes règles s'appliquent ainsi à tous les protagonistes.

Alliance Sud soutient l'initiative populaire pour que la Suisse se serve enfin de son principal levier de protection mondiale du climat et mette pleinement en œuvre l'Accord de Paris.

 

 

Initiative populaire fédérale
« pour une place financière suisse durable et tournée vers l'avenir (initiative sur la place financière) »

Que veut l’initiative ?

  • Une orientation écologiquement durable de la place financière, en ce sens que les acteurs du marché financier orientent leurs activités commerciales à l'étranger vers les objectifs internationaux en matière de climat et d'environnement. Pour la mise en œuvre, des plans de transition contraignants des entreprises concernées sont envisagés.
  • Une interdiction de financer ou d'assurer l'extraction de nouveaux gisements d'énergie fossile ou l'extension de l'extraction de gisements existants.

Alliance Sud soutient l’initiative…

  • parce que la manière dont la Suisse réglemente le secteur financier ne lui permet pas de remplir suffisamment ses obligations au titre de l'Accord de Paris sur le climat ;
  • parce que la place financière assume la plus grande part de responsabilité en matière de climat parmi tous les acteurs sous influence suisse. Notre pays a donc en main son principal levier pour contribuer à la protection du climat sur la planète.

 

Global Logo

global

Le magazine d'Alliance Sud analyse et commente la politique étrangère et de développement de la Suisse. « global » paraît quatre fois par an et l'abonnement est gratuit.