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Ce que Ignazio Cassis n’a pas voulu dire

14.04.2023, Financement du développement

Le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis a informé sur la stratégie de financement à moyen terme pour le soutien à l'Ukraine. Mais il a renoncé à donner des explications sur l'origine des fonds. Nous expliquons ce qu’il n'a pas voulu dire.

Laura Ebneter
Laura Ebneter

Experte en coopération internationale

Ce que Ignazio Cassis n’a pas voulu dire

© Stephan Poost / pixelio.de

Lors des réunions de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale à Washington, le Conseiller fédéral Cassis a accordé une interview à l'émission « Echo der Zeit » de la radio SRF le 13 avril. Il a souligné le soutien à long terme à l'Ukraine tout en promettant que les fonds destinés à la lutte contre la pauvreté dans le Sud resteraient garantis. Ce calcul est-il juste ?

Le Conseiller fédéral Cassis a expliqué que dans un premier temps, « un peu d'argent de la coopération internationale serait placé dans un fonds séparé d'un montant de 1,8 milliard ». Mais comment financer ces 1,8 milliards sans grever le budget de la coopération internationale (CI) ? Selon nos informations, les 1,8 milliards se composent comme suit :

  • 300 millions de francs sont prévus pour 2023-2024 (composés de crédits supplémentaires et du budget courant).
  • On savait déjà que la croissance nominale prévue des dépenses de la CI 2025-2028 (+2,5%/an) serait réservée à la reconstruction de l'Ukraine, ce qui représente environ 650 millions de francs.
  • Il manque donc 850 millions de francs, qui seront à la charge du budget de la coopération internationale 2025-2028.

Mais ce budget a déjà été gelé dans le cadre des valeurs de référence pour les arrêtes financiers pluriannuels (précisément parce que la croissance nominale est entièrement utilisée pour l'Ukraine), et en termes réels, il va donc diminuer dans le contexte actuel d'inflation. On pourrait certes argumenter qu'avant la guerre, l'argent de la coopération internationale était déjà utilisé pour l'Ukraine dans le cadre de la « coopération au développement avec l'Europe de l'Est » et qu'il n'est donc pas nécessaire de réaffecter autant d'argent. Mais en moyenne sur quatre ans, cela ne représentait que 33 millions de francs par an jusqu'en 2021, il manque donc encore plus de 700 millions.

Peut-on donc, comme le dit le Conseiller fédéral Cassis, « maintenir la somme totale pour les programmes normaux de lutte contre la pauvreté et de développement durable » ? Non, cette déclaration masque le fait que les priorités au sein de la coopération internationale doivent être redéfinies afin d'économiser 700 millions et que la solidarité avec l'Ukraine se fait au détriment de celle avec d'autres pays. Des pays du Sud qui continuent à souffrir des effets de la crise du coronavirus, de la hausse des prix des denrées alimentaires et de l'énergie et qui sont de plus en plus touchés par la crise climatique.

Alliance Sud demande que l'Ukraine soit généreusement soutenue dans le domaine humanitaire, dans l'accueil des personnes ayant fui en Suisse et dans la reconstruction. Mais ce soutien doit bénéficier d'un financement supplémentaire et ne doit pas se faire au détriment de la lutte globale contre la pauvreté. Au contraire, le financement du développement doit enfin être augmenté.